L'élève français, ce cancre en
langues étrangères
LE MONDE | • Mis à jour le
Par Mattea Battaglia
Dans les enquêtes internationales, les élèves français ne sont guère habitués àbriller. Une étude européenne sur les compétences linguistiques - la première d'une telle ampleur - menée à l'initiative de la Commission européenne auprès de 54 000 lycéens, dans 14 pays, force encore le trait : les Français se classent derniers... ou presque. Selon les résultats rendus publics le 21 juin, ils sont seulement 14 % à obtenir un bon niveau dans leur première langue étrangère, l'anglais "LV1", et 11 % dans la deuxième langue étudiée, l'espagnol "LV2". Seuls 40 % ont un "niveau de base" leur permettant de saisir le sens d'expressions courantes et de phrases isolées. Autrement dit, de se faire comprendre.
Maigre consolation : les Anglais font pire - 9 % seulement maîtrisent leur "LV1" (le français) et 6 % leur "LV2" (l'allemand). Dans leur grande majorité, les Européens n'ont rien de petits génies des langues : 42 % sont compétents dans leur première langue étrangère, 20 % dans la deuxième, pointe l'enquête dirigée par l'université de Cambridge.
"Décevant", commente sobrement Neil Jones, directeur de projet. "Décevant qu'après quatre à cinq années d'études, près d'un adolescent sur deux en soit encore à chercher ses mots, ou presque."
Les bons élèves ? Les Suédois, les Irlandais, les Maltais, les Néerlandais... Les moins bons ? Après les Britanniques et les Français, les Belges, les Polonais, les Espagnols... Petite surprise : la Suède se classe nettement en tête pour ce qui est de la première langue étudiée - avec 82 % d'adolescents jugés compétents en anglais -, mais arrive dernière quand il s'agit de la deuxième langue étrangère, l'espagnol.
"Cette étude confirme la persistance des écarts de niveaux en Europe, note Neil Jones, le facteur clé restant la motivation, l'intérêt que revêt une langue étrangère. On comprend pourquoi les Anglais ne s'illustrent pas : leur langue s'est imposée partout comme une nécessité. L'important est de se concentrer sur ce qui contribue à un apprentissage réussi."
SORTIR DE L'ACADÉMIQUE
Ses préconisations ? Commencer dès le plus jeune âge ; une écoute et une pratique hors du cadre scolaire - à travers les films, la musique, les voyages..."L'enseignement doit accorder une place plus importante à l'échange, à la communication, pour ne pas rester académique." Faire de l'apprentissage des langues une activité familière : c'est ce que recommandait déjà un rapport remis à l'ancien ministre de l'éducation, Luc Chatel, le 7 février. Il proposait, entre autres, d'"instaurer une sensibilisation aux langues dès la maternelle (...), sans limiter le nombre de langues". Ou, "au collège, [de] proposer deux langues vivantes dès la 6e" - ce qui existe déjà pour une poignée d'élèves des sections européennes ou bilangues.
Pas sûr que la priorité du nouveau locataire de la Rue de Grenelle soit celle-là. Même s'il ne méconnaît pas l'enjeu : selon une note d'information émanant de sesservices et publiée le mois dernier, moins de la moitié des collégiens de 3e ont un niveau satisfaisant en langues. Et la tendance n'est pas au progrès.
Mattea Battaglia